CANNES: FIN DE PARCOURS

Le Devoir
05.24.2010
Odile Tremblay

Cannes – ... Plusieurs films ... se sont démarqués par les controverses qui les ont entourés, davantage que par leur valeur cinématographique.

Ce fut le cas de L'Exode, Soleil trompeur 2 de Nikita Mikhalkov. Il avait ébloui la cinéphilie avec son premier Soleil trompeur (Grand Prix du jury à Cannes, Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1994). Cette suite, présentée en compétition, réalisée à grands frais (plus de 40 millions US $, le plus gros budget jamais obtenu en Russie) déshonore le cinéaste des Yeux noirs.

Film pompeux, où le burlesque et la lourdeur remplacent l'émotion originelle, des scènes de bataille avec les Allemands mal foutues, un scénario plein de trous, un traitement orphelin de grâce. En 1941, le héros après avoir croupi dans un camp, se retrouve au front, combat les Allemands, alors que sa fille le cherche dans un pays à feu et à sang. Mikhalkov se remet en scène aux côtés de sa fille Nadejda Mikhalkova, mais devenu, même comme acteur, une parodie de lui-même, cabotinant. N'en jetez plus! Le volet 3 suivra pourtant...

Le cinéaste, manifestement aux abois, se retrouve ici au cœur d'une controverse qui s'est d'abord enflammée en Russie. Son film, mal reçu par la critique nationale, boudé du public, lui a valu tous les opprobres. Il est considéré comme un ami du régime, de Poutine entre autres, accusé de s'approprier la majeure partie des fonds d'État. Une centaine de ses pairs ont démissionné de l'Union des cinéastes russes qu'il dirige, dont Alexandre Sokourov. Ils ont signé une pétition ayant pour doux titre "On ne l'aime pas" dénonçant son statut de porte-voix officiel.

Bref, il se défendait samedi devant la presse comme un beau diable, assurant d'abord que son gros budget couvre l'ensemble des deux films: Soleil trompeur 2 et 3, de même qu'une série télé de 15 épisodes avec des images originales. Ce film a été tourné sur une période de huit ans et, par l'ampleur de son projet, "avait vraiment besoin de fonds importants".

Mikhalkov assure n'avoir reçu qu'un million de dollars par film de l'État et avoir monté son budget avec un financement privé. Quant aux démissions de l'Union de la part des cinéastes qui le contestent, il déclare qu'un gros pourcentage n'en faisaient pas vraiment partie ou ne payaient pas leur cotisation depuis 5 ou 10 ans, et d'autres n'habitent pas en Russie depuis 30 ans. "Sur les 97 signataires, il en reste quatre. Voyez l'ordre de grandeur de ce grand scandale international", ironisait-il, amer. Ils lui reprochent ses méthodes autoritaires. Mikhalkov répond: "Je veux des faits. Que j'aie des points de vue et les exprime n'a jamais empêché personne de travailler", etc.

Il dit que le désir de donner une suite à Soleil trompeur et de faire un film sur la guerre lui est venu devant Saving Private Ryan de Steven Spielberg. "J'ai voulu montrer les souffrances et les privations des soldats. Mais cette œuvre n'est ni stalinienne ni antistalinienne. C'est un film sur l'amour d'un père et de sa fille et, dans le volet 3, tous les fils se dénoueront." Il croit que son échec devant les écrans russes est dû aux mauvaises critiques. Voire!

Le film, qui durait 3 heures en Russie, a été réduit à 2h30 pour sa version cannoise et internationale. "Je n'ai enlevé que les parties ayant des références qui ne pouvaient qu'être comprises que par les Russes", assure le cinéaste, concluant sur une phrase étrange: "J'adore le cinéma d'auteur. J'en ai fait moi-même. Ce sont des huîtres. Mais on ne peut pas vivre que d'huîtres. On a aussi besoin de pain, de beurre et de saucisson..."

Voici donc du saucisson! ...