CANNES 2010: L'EXODE – SOLEIL TROMPEUR 2 DE NIKITA MIKHALKOV

Estelle Chardac
05.22.2010
toutlecine.com

Soleil trompeur deux, le retour. Après le drame intimiste, la fresque épique. Après l'émotion familiale, le mélodrame guerrier. A l'approche de la Seconde Guerre mondiale, on retrouve le général Sergeï Kotov ( Mikhalkov) fait prisonnier politique par le pouvoir stalinien qu'il avait contribué à servir et sa fille rebelle Nadia fuyant les nazis. Leurs destins ne se croisent jamais alors que chacun est encore dans les pensées de l'autre.

En seize ans, soit le temps qui le sépare de son Grand Prix du jury à Cannes, Nikita Mikhalkov a eu le temps de dépecer sa veste d'auteur, se compromettre avec le honteux Barbier de Sibérie et rallier la cause d'Hollywood, Poutine et compagnie. Soit. Cela n'en fait pas un réalisateur dénué de poésie pour autant, certaines idées assez réussies, teintées d'absurdité, formant les vestiges de son imaginaire: le voyage d'un bout de papier brûlant, une mine qui devient une bouée de sauvetage, un prisonnier consultant les pages du code pénal en faisant tourner ses pages dans le vide, bruitage inclus.

Hormis ces instants gracieux qui ne sont pas si rares dans ce film, l'ensemble est cousu du fil blanc que travaille ma tata Henriette en mangeant ses nouilles le dimanche soir devant la télévision.

Exactement le genre d'occasion qui conviendra au visionnage de Soleil trompeur 2, L'Exode, histoire d'entamer le sacro-saint débat sur la Seconde Guerre mondiale et s'entendre inévitablement dire arrivés au fromage: "ah ces salauds de bolchéviques / ah ces salauds de nazis".

Soit peu ou prou le propos sans fond du film, qui prend rarement le temps de réfléchir, tout embarqué qu'il est dans sa fascination morbide pour les clichés dégoulinants (d'hémoglobine, de larmes) du genre. Ah, je vous sens suspicieux. A titre d'exemple, citons cette scène censée symboliser l'horreur de la guerre: Nadia, devenue infirmière, porte secours à un officier mourant, défiguré, brûlé, auquel elle offre la dernière onction par la contemplation pudique de ses seins. Le soldat meurt évidemment au moment où il les voit.

Dire qu'il y a cinquante ans, Scarlett O'Hara, arpentant avec dégoût les couloirs d'un dispensaire à la recherche de son benêt d'Ashley, reculait devant l'ombre chinoise d'une jambe qu'on découpe.Est-il possible qu'on ait régressé à ce point dans le cinéma grand public depuis ? En la matière, se référer plutôt à Un homme qui crie, film d'auteur accessible à tous, qui nous plonge dans le ressenti intime, sensoriel, autrement plus terrifiant, d'un conflit.